EQUITATION MILITAIRE
Suiei-Bajutsu (sur terre ferme) - Sui-Bajutsu (dans l'eau).

 

Armure du XVIIIè siècle - Les armoiries figurant sur le casque et la jupe d'arme sont appelées "neuf étoiles", tandis que celles de la cuirasse sont dites "glycines descendantes". On les retrouve sur l'éventail suspendu au plastron, mais enserrant le chiffre 1. La réunion de ces armoiries désigne le clan Naitô, famille de daimyô descendant de l'illustre et ancienne famille Fujimara. Il semble que dans l’histoire de l’humanité, l’équitation ait pris naissance en Asie centrale plusieurs siècles avant notre ère.    Et que ce soient les Mongols qui les premiers chevauchèrent la plus noble conquête de l’homme. Ailleurs, une fois domestiqué, le cheval de guerre ne servit qu’à la traction de chars légers, mais on ne combattait pas monté dessus. On n’inventa la selle, le mors que bien plus tard et finalement l’étrier (III à Vème siècle après JC) que bien plus tard. Et beaucoup plus tard, bien après le joug du bœuf, le collier (seulement vers 900 après JC), qui permit d’atteler les chevaux à des charges lourdes sans l’étrangler.

Ces détails n’ont l’air de rien, mais doivent faire comprendre comment de « petites » choses peuvent avoir de grandes répercussions sur la vie quotidienne, l’industrie et la guerre. Il est des conquêtes qu’on ne s’explique pas si l’on ignore le petit détail qui change tout.

Ainsi de l’épieu à l’épée de pierre on passa à l’épée de cuivre, coulée. Puis ayant eu l’éclair de génie de mêler le cuivre à l’étain (qui ne se trouvait pas dans les mêmes régions) on obtint des épées de bronze qui cassèrent le cuivre. Les épées de fer, plus longues et plus solides, brisèrent celles de bronze (cassantes). Puis l’acier brisa le fer. Changeant toute la technique et permettant conquêtes et invasions. On en est au laser qui coupe l’acier. Il y eut aussi des modifications climatiques dont l’histoire ne parle que rarement (mini époque glaciaire ou mini réchauffement). C’est ainsi qu’un refroidissement jeta les Vikings vers le sud. Et les Mongols des steppes d’Asie du Nord vers la Chine, et en Europe. Les troupes mongoles n’envahirent pas l’ouest de l’Europe, non pas grâce à la résistance de leurs habitants et leurs arts guerriers…mais parce que trop boisée, cette région ne fournissait plus la nourriture à leurs centaines de milliers de chevaux (sans compter une dramatique mini glaciation). Les Mandchous partirent également vers le sud pour la même raison.La bombe du casque, composée de 62 lamelles de fer, porte la signature de Yoshinori, armurier de l'école Myôchin ayant travaillé durant le deuxième quart du XVè siècle. La cuirasse, par contre, en deux parties, est plus tardive et semble remonter à l'ère Genroku (1688-1703). C'est de la même époque que pourraient dater les épaulières, la jupe d'arme, le masque avec son gorgerin et les ornements du casque.

Parfois d’autres causes bouleversaient tout. Une épidémie (peste, choléra, typhus, variole) décimait une région ou une Nation permettant une conquête. Le mors puis l’étrier furent aussi ces petites choses changeant tout dans l’Equitation. On put diriger, conduire avec maîtrise le cheval capricieux. On put se lever sur ses étriers, amortir le galop (et mieux tirer à l’arc ou avec une arme à feu), et pivoter en tournant le buste (chose impossible sans étriers) pour tirer en arrière ou combattre au sabre. Les Indiens d’Amérique, qui montaient à cru sans étriers eurent ce problème.

Les Mongols étaient des cavaliers redoutables bien que montant des chevaux à demi-sauvages sans selle, sans mors (une simple lanière de cuir passée autour de la gorge). Aussi le cheval ne prit de l’importance au Japon que tardivement, vers le Vème-VIème siècle pense-t-on.

Le sang mongol coulant en partie dans tout Japonais, il était normal que tout militaire possédant un cheval (rare et coûteux) soit passionné par l’Art de l’équitation militaire. Mais il ne fut l’apanage que de la noblesse. Il faut cependant savoir que le cheval japonais était d’ordinaire, comme le cheval mongol, chinois ou coréen, un poney robuste mais petit. Des représentations anciennes montrent des dignitaires ayant les pieds presque touchant le sol. Ce poney était laineux l’hiver, résistant et assez lent, lourd même bien que de « caractère difficile ». Il fallait pour cette raison être un excellent cavalier sur le champ de bataille, surtout lorsque apparurent les fusées (époque mongole) et par la suite les armes à feu, puis les canons (à partir des années 1500). Comparée aux pur-sang grands et nerveux de la même époque en Occident, aux mustangs et aux chevaux nerveux arabes (plus petits que ceux d’Europe), la différence est considérable. Cette race existe encore en Asie et… dans les Pyrénées françaises, en Pays Basque, où ces poneys sauvages sont appelés Pottocks.

Les premiers chevaux seraient apparus en Asie, d’où ils se seraient répandus vers l’ouest (Moyen-Orient et Europe), et vers l’est, en Amérique, par le détroit de Behring en Amérique (reliée à l’Eurasie, le niveau des mers étant 80 à 100 m plus bas il y a encore 20000 ans). Il disparut par la suite en Amérique, où il fut réintroduit par les Conquistadors entre 1492 et 1500. Il évolue (par sélection humaine ou naturelle) chez les peuples de la Méditerranée d’une façon telle que, par exemple, plusieurs siècles avant JC les dirigeants chinois payaient les étalons grecs à prix d’or, c’est-à-dire en rouleaux de soie (dont le secret sera gardé jusqu’au VIème siècle après JC) pour effectuer des croisements et pour la reproduction. Les chevaux tenaient une place de choix sur la liste des cadeaux échangés entre lEnsemble destiné au tir à l'arc et comprenant quatre pièces : 1. Petit arc (env. 70 cm) recouvert de laque avec application de brocart. 2. Flèche dite "navet" (kabura-ya) comportant un sifflet d'ivoire au-dessous du fer, lequel est en "ailes de grue" (karimata) avec un petit coeur ajouré. Entre 1600 et 1650. 3. Grand carquois en bois laqué noir (utsubo) avec motifs en or ; sur le couvercle, motif dit "des neuf étoiles" (kuyô), et sur le corps, celui des trois feuilles de mauves en un cercle, ces deux motifs formant les armoiries des daimyô Okudaira de Oshi, appelés aussi Matsudaira. Ht. 95 cm. 4. Grand carquois en bois laqué noir (utsubo) avec motifs multicolores de vagues, de branches de prunier en fleurs et de grues, avec les armoiries des daimyô Mizoguchi de Shibata en Echigo (aujourd'hui préfecture de Niigata).’Occident et la Chine, et entre la Chine et le Japon. Les grands Uji de Samurai (Familles, Clans) faisaient des élevages, chacun gardant ses secrets. Ceux du Clan Nambu étaient renommés dans tout le Japon.

Il existait des Ecoles spécialisées. Tant pour la stratégie à cheval (seul ou en masse ) à la technique de combat individuelle. L’art du Ba-Jutsu comprenait ce que tout militaire, japonais, chinois ou occidental se devait de connaître : maîtrise parfaite du cheval, entente avec lui, saut d’obstacles, comportements dans les traversées de rivières (Sui-Bajutsu) très nombreuses au Japon, plongeons à cheval de grandes hauteurs, fortification des reins (Norikata) pour résister de longues heures à cheval, et conserver une assise solide pour combattre : épée, sabre courbé, Yari, Naginata et surtout le tir à l’arc monté. Et pour résister aux armes des fantassins : mêmes armes, ainsi que des armes spéciales pour désarçonner, telles ces sortes de crochets à une ou plusieurs dents. Les immenses sabres, No-Tachi et Jin-Tachi pour tailler les fantassins lorsque l’on était à cheval, et pour tailler les jambes des chevaux ou leur cavalier lorsque l’on était fantassin.

A ce propos, il est nécessaire de rappeler qu’il exista des similitudes entre l’Occident et le Japon (le cheval réservé à l’aristocratie) mais aussi des différences importantes au point de vue mentalité guerrière. Ainsi, tandis que le tir à l’arc (à pied ou à cheval) était considéré en Europe féodale comme « non-noble » (de même que toutes les armes de jet), au Japon l’arc était presque l’apanage de l’aristocratie. Il y eut des similitudes sur le plan vanité, seuls les hauts gradés et dignitaires eurent le seul privilège de monter à cheval, sauf, bien entendu, quelques corps spéciaux de cavalerie, les gardes et les messagers. Autre différence, parmi l’une des nombreuses coutumes qui sont inversées entre l’Occident et le Japon, le Japonais montait par la droite du cheval en mettant le poids de son corps en arrière, en Europe on montait par la gauche (dos tourné vers la tête du cheval) avec le pied gauche, mettant le corps vers l’avant, plié, en montant en selle.

La selle japonaise était en bois, avec des rebords avant et arrière. Pour le champ de bataille le cheval était protégé (sauf les jambes) d’une armure légère en cuir, avec plaques de métal, et un chanfrein en métal. Le cavalier Samurai tenait une rêne dans chaque main, et les accrochaient à un anneau de son armure pour combattre. Conduisant avec les genoux et en se penchant dans la direction où il voulait aller. Effectuant ainsi des zigzags en allant vers l’ennemi, pour éviter les flèches, et lançant les siennes sans discontinuer (surtout après l’expérience des invasions mongoles, qui employaient cette tactique).

Le Tir à l’arc à cheval était appelé Kisha (littéralement « tir à l’arc sur un cheval qui court »).

Les étriers, dans lesquels les pieds entiers entraient, étaient fixés à la selle, façonnés de façon à laisser s’écouler l’eau, les compagnes guerrières nécessitant des actions avec traversée des rivières, torrents, bras de mer nombreux au Japon (Sui-Bajutsu).

La bombe, composée de 16 lamelles bombées et de forme dite kôshôzan, semble remonter à l'époque Muromachi et pourrait dater du XVè siècle. Le protège-nuque est de forme très évasée et doit être, comme la visière et les ailerons, plus tardif, peut-être du XVIIIè siècle.

L’entraînement physique sans armes comprenait acrobaties et cascades mais aussi le corps à corps, comme certains Sutémis où un cavalier se sacrifiait pour entraîner l’autre au sol.

Il y avait aussi des procédés pour approcher silencieusement l’ennemi. En enroulant le mors de toile, en mettant les naseaux dans un sac spécial (Bai) empêchant le cheval de hennir. Le dressage du cheval était bien entendu extrêmement important, pour qu’il franchisse les gués, saute des berges et même des falaises, se couche, etc… Ces entraînements se faisaient autour des Dojos des Uji (Familles, Clans de Samurai, pouvant atteindre des milliers et même des dizaines de milliers de Samurai, avec forteresse, casernes, dojos, lieux de tir, étangs artificiels pour l’entraînement des chevaux dans l’eau et pour la natation en armure).

Parmi les jeux éducatifs sur le plan martial, il existait 3 types d’entraînements très prisés :

Le Yabusame      

tir sur 3 cibles successives au grand galop (représentant les 3 royaumes alliés puis ennemis de Corée), le tir se faisant avec des flèches sifflantes, nommées Kaburaya. De nos jours il ne reste que quelques Ecoles, dont les Takeda-Ryu (Hosokawa-Ryu) et Ogsawara-Ryu, descendant toutes deux de la même famille Henmi (Clan Genji). Le Yabusame moderne se nomme Kisha-Hasami-Mono, et se pratique avec rituel Shinto en automne.

Le Togasagake

tir à 80-100m sur chapeau accroché, effectué au galop, ou à tir rapproché Kasagake, dans les 2 cas avec des flèches munies d’une boule.

Le Inuoimonoi

tir sur chien poursuivi. Avant la période Heian sur singes, daims, et chiens lâchés dans une enceinte. Avec flèches normales, ou munies d’une boule pour ne pas tuer, flèche nommée Hikime.

 

Quatre hallebardes (naginata) : 1. Hallebarde à hampe décorée de nacre du XIXè siècle, mais avec une lame splendide signée "Gammaku" et datée du premier jour du 8è mois de la 5è année de l'ère Genna (= 1619). 2. Hallebarde de forme nagamaki, composée d'une belle lame de 75 cm et d'une hampe assez courte ornée de nacre du XIXè siècle. La fusée de la lame ayant été raccourcie, la signature n'est plus lisible, mais il est possible de préciser la provenance : un atelier du Yamato (région de Nara, et l'époque : l'ère Nambokuchô (1332-1392). 3. Hallebarde à hampe ornée de nacre du XIXè siècle. La lame, excellente et rare, est signée "Kanemachi", forgeron qui travailla durant l'ère Eiroku (1558-69). 4. Hallebarde comprenant une hampe ornée de nacre du XIXè siècle et une bonne lame signée "Fujiwara Sadayuki", forgeron qui travailla dans la région de Bongo-Takada, au Kyûshû, durant l'ère Tenna (1681-83).Les Japonais, comme les Mongols et plus que les Chinois, étaient extrêmement habiles dans ce que l’on pourrait appeler acrobaties et cascades à cheval. Acrobaties facilitées par la petite taille du cheval asiatique et par des selles munies de prises.

A noter pour l’anecdote que la forme courbée du Katana fut mise au point pour le combat à cheval (en Occident le sabre est courbe pour le combat à cheval). Avant l’époque Nara, pour le combat à pied le sabre était droit comme en Corée et en Chine. Pour diverses raisons (imiter les nobles avec leur Tachis était s’anoblir en tant que Samurai), la forme courbe fut conservée pour les combats au sol lorsque le cheval tomba en défaveur.

Le Ba-Jutsu connut plusieurs périodes de déclin (sauf pour l’aristocratie). A l’époque des guerres civiles, avec une Yari spéciale et des armes spéciales (sorte de râteaux) il était devenu trop facile à un fantassin d’accrocher ou d’atteindre le cavalier, et même de couper les jarrets du cheval. Il subit un second déclin après les tentatives d’invasion mongoles (1281). Il reprit de l’importance au début de l’époque Muromachi (1336), et retomba en déclin lorsque les guerres civiles reprirent (début XVIème siècle). Puis un nouvel essor et le déclin définitif lorsque Oda Nobunaga (représenté dans le film « Shogun »), anti-conformiste et fin stratège, utilisa systématiquement vers 1600 les mousquets en combat, en faisant viser les chevaux au lieu des cavaliers : ses troupes armées de mousquets se dissimulaient derrière des palissades et abattaient les chevaux lancés au galop avant qu’ils n’atteignent les premières lignes. A la fin de la période où la caste des Samurai fut dissoute et le port du sabre interdit (1876), on comptait encore plus de 50 Ecoles différentes de Ba-Jutsu au Japon, dont la plus ancienne – datant du XVème siècle – était la Otsubo-Ryu.

Selle (kura) en bois avec étriers assortis (abumi). Ces trois pièces, réalisées autour de 1740, sont recouvertes d'une laque de style nashiji, c'est-à-dire incorporant de l'or, avec un décor en léger relief (taka-makiye) représentant des branches de bambou et le symbole héraldique des trois feuilles de mauve (aoi go mon) utilisé par les shôgun Tokugawa.